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Exclusivité sur BlogSpirit : Discours de rentrée politique de Jean-Pierre Chevènement !

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medium_CHEUNIV.jpgDiscours de Jean-Pierre Chevènement
Les Ulis, dimanche 10 septembre 2006
Formulaire de parrainage :engagt-parrain.doc

Remerciements à Paul Loridant, aux organisateurs, à Marinette Bache et aux intervenants (MM. Christian Bataille, Hervé Nifenecker, Président de « Sauvons le climat », MM. Guy Coq, Paul Thibault, Patrick Quinqueton et Sami Naïr). Je salue également nos invités du PCF, PS, PRG, Verts et les syndicalistes (UNSA, etc).

Je veux vous parler d’abord des affaires de la France avant d’en venir à la situation de la gauche, à huit mois de l’élection présidentielle.

I - Les affaires de la France.

A) Le peuple français veut à nouveau maîtriser son destin.

Il l’a clairement manifesté le 29 mai 2005. Il veut que la France fasse entendre sa voix. Il ne fait pas confiance à une Europe qui ne nous protège pas. Il y a une demande d’Etat, d’autorité et il importe que la réponse soit républicaine. Il y a aussi la demande d’un effort partagé, d’un effort justement réparti. Nous en sommes loin.

Depuis le 29 mai 2005, ceux qui nous dirigent n’ont pris aucune initiative de réorientation de l’Europe. Les tenants du oui, mis en minorité par le peuple français, ne décolèrent pas. Ils attendent leur heure pour faire rentrer par la fenêtre ce qui a été sorti par la grande porte du suffrage universel, c’est-à-dire une Constitution pour l’Europe. Il n’ont pas pris conscience de ce que l’Europe ne demande pas une Constitution - l’Europe n’est pas une nation et demeurera un ensemble de nations. Or, seule une nation a besoin d’une Constitution. La priorité est évidemment une profonde réorientation en matière économique et sociale. C’est cela que nous devons faire prévaloir.

Nos dirigeants persistent dans la volonté de vouloir déconnecter la démocratie de la nation pour édifier un système où la décision échappe aux peuples. Ils prétendent vouloir construire une démocratie « post-nationale ». Ils veulent, en fait, mettre fin à la démocratie pour lui substituer un système oligarchique où les maîtres de la finance, en dernier ressort, auront seuls barre sur les décisions. C’est de ce système de connivences, où les sociaux-démocrates ont pris leur place, même si elle est en bout de table, que les peuples et particulièrement le nôtre, ne veulent plus car il y a aujourd’hui une exigence de démocratie.

Quinze mois après le 29 mai, notre pays se sent piégé par l’Europe telle qu’elle se fait, Europe elle-même piégée par la mondialisation. Il faut repartir des nations républicaines et de la volonté populaire pour réorienter l’Europe.

B) Le gouvernement a un discours et une pratique en complet décalage.

1. Ses invocations au « patriotisme économique » ne peuvent dissimuler ses échecs comme l’absorption d’Arcelor par Mittal, aboutissement symbolique de la politique mise en œuvre par la CECA il y a plus de cinquante ans. Quelle fin dérisoire ! Quel gâchis ! Quel scandale ! Faut-il aussi évoquer Péchiney ? Et que dire du mariage déséquilibré entre Alcatel et Lucent ? Qui a pris en compte, dans ces affaires stratégiques, les intérêts de la France ? S’agissant du sort d’Alcatel, certainement pas M. Tchuruk ! Il n’est pas jusqu’au débat sur la fusion de GDF et de Suez qui ne prenne un tour surréaliste, alors que le Parlement ne connaît même pas les exigences de la Commission européenne. On découvre un peu tard que le problème majeur, en matière gazière, n’est pas celui de la concurrence mais celui de la sécurité des approvisionnements. Et pour cela, nous avons certes besoin de grands énergéticiens. Il serait raisonnable que GDF absorbe le secteur énergie de Suez et se défasse du secteur environnement. Mais la voie choisie garantit l’opacité plus que le résultat qui risque d’être à l’inverse.

2. Le gouvernement se targue d’une embellie économique et d’une baisse continue du chômage. Mais il y a tout lieu de craindre que l’embellie économique, toute relative d’ailleurs (2,3 % de croissance), ne soit que passagère. La conjoncture économique aux Etats-Unis commence à se retourner - on le voit sur le marché immobilier - et l’effet s’en fera sentir dans un an de ce côté-ci de l’Atlantique. La baisse du dollar et le prix élevé du pétrole, dans un contexte de crise avec l’Iran pèseront sur notre croissance. Par ailleurs la ponction fiscale que Mme Merkel s’apprête à exercer en Allemagne - trois points de TVA en plus - va inévitablement restreindre nos débouchés et peser sur une conjoncture européenne déjà bien faiblarde. Et c’est dans ce contexte que M. Trichet et ses clônes de la Banque Centrale Européenne de Francfort s’apprêtent à relever encore leur taux d’intérêt sans qu’on entende aucune protestation de la part des gouvernements.

Le nôtre se flatte de la baisse du chômage, mais ce n’est un mystère pour personne que les emplois aidés y sont pour davantage que les emplois nouvellement créés. La précarité s’étend et le nombre réel des chômeurs dépasse largement la barre des trois millions.

3. Il n’est pas jusqu’à la politique étrangère où les contradictions de votre politique ne se fassent voir aux yeux d’un observateur un peu sagace. Le Proche-Orient ne se résume pas au Liban. Si la politique française ne relie pas entre eux les problèmes qui se posent dans cette région, qui donc pourra le faire ? Or, le problème palestinien continue à pourrir. Le gouvernement israélien a gelé son projet de retrait unilatéral de Cisjordanie. Il est essentiel, et pour Israël même, de retrouver un interlocuteur et de négocier ce retrait. De ce point de vue l’attitude européenne vis-à-vis du Hamas est absurde et scandaleuse : on ne peut pas réclamer la démocratie et couper les vivres à ceux qui gagnent les élections ! On peut déplorer que les islamo-nationalistes, partout, occupent le terrain, mais c’est le résultat d’une politique israélo-américaine complètement erronée et maintenue avec constance depuis quinze ans sinon quarante, politique qu’il faudrait revoir entièrement aujourd’hui pour recréer les conditions du dialogue et de la coexistence. Ne serait-ce pas là le rôle de l’Europe et particulièrement celui de la France !

Nous demandons plus d’audace au gouvernement : dès lors que nous avons offert à la force d’interposition de l’ONU des milliers de soldats qui peuvent demain se transformer en otages, car nous ne maîtrisons ni les décisions du Hezbollah ni celles du gouvernement israélien, nous nous sommes obligés nous-mêmes à faire preuve d’initiative vis-à-vis d’Israël, vis-à-vis de l’Iran, et même vis-à-vis de la Syrie. La France ne doit se couper d’aucun des acteurs régionaux si elle veut faire progresser réellement la cause d’une paix juste et durable.

Il ne faudrait pas négocier avec des pays considérés comme ennemis ? Mais avec qui d’autre qu’avec les ennemis est-il vraiment utile de négocier ?

L’Iran aujourd’hui est devenue la puissance dominante au Moyen-Orient. Ceux qui le déplorent aujourd’hui, notamment aux Etats-Unis, ont fait ce qu’il fallait pour cela. La situation effrayante qui prévaut en Irak renforce la main de l’Iran. N’hésitons pas à le dire : l’objectif à long terme est de créer les conditions d’une réintégration de l’Iran dans la communauté internationale. La société iranienne aspire à la prospérité. Ce grand pays doit pouvoir se développer et maîtriser son avenir, y compris dans le domaine de l’énergie nucléaire civile. Incitons-le à respecter les obligations qu’il a souscrites en matière de non-prolifération et indiquons lui fermement que la sécurité d’Israël, indissociable de la création d’un Etat palestinien viable, est un point sur lequel aucune transaction n’est envisageable. Offrons par ailleurs à l’Iran les conditions d’une coopération loyale. La voix de la France, même seule, est indispensable pour recréer de l’espoir dans cette région qui souffre tant. Au Moyen-Orient non plus, il n’y a pas qu’une seule politique possible !

Le prochain Président de la République trouvera partout une situation difficile. Nos marges de manœuvre sont étroites. Ce n’est pas une raison pour ne rien faire ou pour faire marche arrière. Au contraire, il faut savoir infléchir la direction du véhicule. Encore pour cela faut-il prendre une vue d’ensemble de la situation qui nous a été léguée par une gestion paresseuse et bien souvent aveugle des gouvernements qui se sont succédés à la tête de la France.

C) Ce qui s’est réellement passé : prenons une vue perspective des choses :

Le XXe siècle a été éprouvant pour la France. Un très grand homme le domine de sa stature : c’est De Gaulle. Il avait remis la France en orbite en 1944-45 d’abord, après 1958 ensuite. La vraie rupture, après la deuxième guerre mondiale, ce fut 1974, la fin des trente glorieuses, l’élection de Valéry Giscard d’Estaing.

Il faut reconnaître que l’alternance de 1981 n’a pas tenu les promesses que le peuple français avait nourries à l’égard de la gauche. Non seulement la crise économique ne s’est pas résorbée mais la nation elle-même a été mise en congé. C’était une dramatique erreur mais elle a été faite. L’idée a prévalu avec le traité de Maastricht que désormais la France appartenait au passé, et l’avenir à l’Europe.

Le peuple français, à 51 %, a choisi de faire cette expérience en 1992. Il en est maintenant revenu. Il faut inventer un nouveau chemin. Celui-ci s’appelle la République, la réappropriation démocratique par le peuple de son destin, la redéfinition d’une Europe conforme à la démocratie qui vit dans les nations.

D) Nos marges de manœuvre sont étroites.

D’abord parce qu’on ne sortira pas en un jour de l’impasse dans laquelle nous avons été fourvoyés. La création d’un gouvernement économique de la zone euro impliquerait l’accord de l’Allemagne. Or celle-ci se dirige dans une tout autre direction : celle d’une adaptation à la mondialisation. Elle veut revenir dans les clous de Maastricht pour s’affirmer, dixit Mme Merkel « au sommet de l’Europe ». Seuls un retournement de conjoncture et une crise au sein de la grande coalition permettraient de faire triompher une autre orientation que l’orientation libre-échangiste actuelle : celle d’un recentrage sur l’Europe et d’abord sur la zone euro où l’Allemagne réalise 40 % de ses exportations. Bref, il faut que l’Allemagne se convainque qu’il faut réformer les statuts de la Banque Centrale européenne et donner des compétences à l’Eurogroupe pour coordonner les politiques budgétaires et fiscales. Cela ne se fera pas rapidement même si ce doit être l’objectif et c’est possible car l’Europe au sens large, y compris la Russie, représente 70 % des exportations allemandes, qui elles-mêmes dépassent le tiers du PIB allemand, qui est lui-même le tiers du PIB de l’Union européenne. C’est dire l’étroite interdépendance entre toutes les économies européennes. Cette réalité prendra le dessus quand se produira le retournement de la conjoncture mondiale aujourd’hui tirée par la Chine. En attendant, le levier principal pour la France sera la politique industrielle, avec le renforcement des fonds propres des entreprises, le développement de l’épargne salariale, le rôle accru des intermédiaires financiers publics pour enrayer les délocalisations et la réforme des OPA pour empêcher le hold-up du type Mittal ou Alcan.

L’énergie, au XXIe siècle, sera un enjeu majeur. Nous devons en maîtriser les leviers. Il n’y aura pas de politique européenne en dehors des grands énergéticiens nationaux. EDF et AREVA doivent rester au premier rang de la compétition mondiale grâce au réacteur de nouvelle génération EPR sur lequel il faudra résister aux pressions de nos amis Verts pour ne pas revenir. Bref, là comme ailleurs, nous entendons faire prévaloir l’intérêt national.

Les choix de dérégulation qui ont été faits par l’Europe à Lisbonne et à Barcelone limitent nos marges de manœuvre mais nous pouvons élargir ces marges, à condition de maintenir le caractère public ou à prépondérance publique des grands acteurs de l’énergie.

Bien sûr l’éducation, la recherche et la politique de l’emploi sont des enjeux majeurs qui impliquent des choix qui ne sont pas seulement budgétaires mais engagent une philosophie de l’effort et du mérite qui appartient à la meilleure tradition de la gauche, je veux parler de la tradition républicaine, la nôtre. Je vous renvoie au livre « La République et l’Ecole », paru sous les auspices de la « Fondation Res Publica », dans la collection « L’idée républicaine » chez Fayard.

Je n’évoquerai pas longuement les problèmes de fiscalité car nous pourrons parvenir sans trop de difficultés à un accord avec le PS sur ce sujet.

Il est un point cependant où je souhaite marquer notre vigilance : c’est celui de la défense où dans le monde dangereux qui est le nôtre il n’y a pas d’économie à faire. En particulier il serait très grave de renoncer au programme de simulation nucléaire qui conditionne le maintien à long terme de la dissuasion. Il en va de l’indépendance future de la France et de l’Europe. Renoncer serait criminel, d’autant que le coût annuel - 500 millions d’euros - est modique rapporté au budget de la défense, qui lui-même représente à peine deux points de notre PIB.

Nous chercherons, chers camarades, à défendre les intérêts de la France, ceux de notre peuple et ceux bien compris de la gauche elle-même. Car la gauche, dans des domaines essentiels comme l’Ecole, la sécurité, l’immigration, l’Europe, la Défense, doit incarner une ligne ferme qui réponde à l’intérêt des classes populaires.

E) Ne méconnaissons pas à cet égard l’habileté de M. Sarkozy.

Il faut prendre garde à ce que, très marqué à droite jusqu’ici et donnant beaucoup d’arguments à ceux qui le résumaient en trois épithètes : libéral, communautariste, pro-américain, M. Sarkozy ne cherche, à l’approche de l’échéance présidentielle, à récupérer la thématique républicaine dans des champs comme par exemple l’Ecole, en mettant l’accent sur la transmission des savoirs et l’autorité des maîtres. Toutes choses que j’ai dites il y a bien longtemps.

Cela lui sera plus difficile en matière de sécurité. M. Sarkozy a vidé de ses effectifs et de son contenu la police de proximité et s’est avéré impuissant à enrayer la montée des agressions les plus graves contre les personnes et de la délinquance des mineurs. Dans ce domaine, le gouvernement s’est avéré tout à fait incapable de créer les centres de retenue que j’avais préconisés et s’il a mis en place quelques centres fermés c’est de manière tout à fait insuffisante : il y en a moins de vingt au total après cinq ans de gouvernement de la droite. La publication des statistiques mensuelles de la délinquance est bien souvent un miroir aux alouettes, puisque les services, accablés de demandes et de paperasserie, ne retiennent que les faits qu’ils constatent et peuvent jouer sur la « main courante » pour ne pas recueillir les plaintes. Il faudra faire un inventaire complet de cette « politique de sécurité Potemkine » où les exigences de la communication l’emportent sur celle de la protection des citoyens.

De même en matière d’économie et d’emploi, M. Sarkozy aura beaucoup de peine à faire prendre aux Français des vessies pour des lanternes : l’appel au mérite et à l’effort ne peut masquer la progression d’inégalités de rémunérations injustifiables, d’un côté les salaires et les parachutes en or des grands patrons, de l’autre la précarisation croissante du monde du travail, notamment des jeunes.

Il faut cependant se méfier de ce que la thématique « républicaine » mise en avant depuis quelques mois par Nicolas Sarkozy dans ses discours n’entraîne la gauche, sous la pression de son aile libéral-libertaire, à prendre le contre-pied de ces thèses et à se « dérépublicaniser », au moment où elle a justement besoin de mettre ses idées en ordre et la République en avant.

L’erreur majeure que commettrait la gauche serait d’aller là où M. Sarkozy veut qu’elle aille : qu’elle se réfugie dans l’idéologie post-soixante-huitarde, cultive le jeunisme et le laxisme à l’Ecole, oppose la prévention et la répression en matière de sécurité, et sombre dans la démagogie en préconisant par exemple la régularisation de tous les clandestins, au lieu de la politique équilibrée que j’avais mise en œuvre et que ceux qui à l’époque criaient « au loup ! » ne peuvent s’empêcher de regretter aujourd’hui.

C’est là que nous - le MRC - pouvons aider la gauche à ne pas retomber dans ses dérives, hélas, traditionnelles. C’est difficile parce que les pousse-au-crime sont nombreux dans les médias bien-pensants. Ainsi M. Leparmentier, dans Le Monde, identifiait-il un glissement à droite de M. Sarkozy, parce que celui-ci prétendrait réhabiliter Jules Ferry et le général de Gaulle. Si la gauche devait suivre ces conseils biaisés et au demeurant fort peu éclairés s’agissant des orientations réelles de M. Sarkozy, elle se couperait définitivement des couches populaires et courrait à sa perte.

Nous ne le voulons pas. Depuis 2002, beaucoup d’évènements se sont produits qui nous ont donné raison : sur la Corse en 2003, sur l’Europe en 2005, sur l’Ecole, la sécurité, l’industrie hélas tous les jours. Nous ne souhaitons pas nous enfermer dans le rôle de Cassandre.

II - J’en viens donc tout naturellement au problème de la gauche tel qu’il se pose à nous.

Notre but c’est de remettre la gauche à la hauteur des défis auxquels le pays doit faire face. On ne peut pas dire que les candidats à la candidature au sein du parti socialiste aient tiré les conséquences du 21 avril 2002 et du 29 mai 2005. Le retrait du candidat socialiste au soir du 21 avril avait peut-être pour but de sanctuariser le prétendu « bon bilan » de la gauche plurielle. Il a surtout empêché tout inventaire sérieux. Une stratégie de la culpabilisation a empêché l’exercice de l’esprit critique et le débat démocratique argumenté qu’il eût été sain de laisser se développer, dans l’intérêt de la gauche et du parti socialiste lui-même. C’est pourquoi le parti socialiste est aujourd’hui encore loin d’être au clair sur des sujets comme l’insécurité, la mondialisation, la politique industrielle, les services publics, l’immigration ou l’Europe : on l’a vu au moment du référendum où ses principaux leaders, à l’exception de Laurent Fabius, ont été pris à contre-pied.

Une des raisons du succès de Ségolène Royal est que par rapport à cette glaciation, elle paraît symboliser un changement, en tout cas un renouvellement qui peut permettre de sortir des blocages anciens. Ainsi s’agissant de la carte scolaire, qui peut nier qu’aujourd’hui celle-ci redouble la ségrégation sociale par une ségrégation spatiale, en tout cas dans les grandes agglomérations et qu’elle est bien souvent contournée au bénéfice des enfants des milieux privilégiés ? Sans remettre en cause son principe, il serait sans doute judicieux de permettre aux enfants des milieux défavorisés les plus doués et les plus disposés à travailler de trouver une affectation dans les meilleures classes qu’il conviendrait de répartir selon les établissements. C’est en cela qu’il faut l’assouplir et pas pour permettre aux enfants privilégiés d’y échapper davantage. Ségolène Royal apparaît souvent en rupture avec le PS autant qu’avec la droite. Son succès traduit le réflexe d’éloignement éprouvé, à tort ou à raison, à l’égard des éléphants. Pour autant, y a-t-il un contenu à la promesse d’une refondation ? Cela ne peut se faire que progressivement et selon la méthode suivie jusqu’ici : c’est avec le peuple et dans le mouvement de la pré-campagne ou de la campagne que la candidate peut tracer les grandes lignes d’un nouveau contrat.

Attendons cependant ses prises de position sur l’Europe puisqu’elle doit s’exprimer le 13 septembre à Bruxelles devant les « Amis de l’Europe » et la Fondation Robert Schumann.

J’ai déjà dit et je répète qu’il ne saurait être question de faire rentrer par la fenêtre ce qui a été sorti par la grande porte du suffrage universel, c’est-à-dire une Constitution.

Nous avions fondé notre espoir sur une dynamique du « non » au sein du PS. Nous sommes obligés de constater : que la synthèse molle du Mans n’a pas permis de créer cette dynamique ; que même certains tenants du « non » au sein du PS sont prêts à accepter une Constitution raccourcie. Aussi bien se sont-ils dispersés, comme les partisans du « non » dits « de gauche » en dehors du PS, car il n’y a de « non » sérieux que celui qui articule la critique antilibérale et l’exigence démocratique, celle de la souveraineté populaire. C’est ce « non républicain » que nous avons fait entendre et qui seul peut rassembler.

Le critère décisif des choix que nous avons à faire au moment des présidentielles sera donc le sort fait à la Constitution européenne.

Nous ne pourrions soutenir qu’un candidat socialiste qui prendrait en compte le vote du 29 mai 2005 qui a conduit au rejet de la Constitution européenne par 55 % des voix. C’est une question de principe. Nous refusons l’Europe dite « postnationale » qui déconnecte la démocratie de la nation. Cette conception dans laquelle le peuple ne peut pas se reconnaître vide de contenu la démocratie, éloigne la décision des citoyens et fait en définitive le jeu du capitalisme financier mondialisé.

Nous sommes pour une Confédération de nations républicaines partageant un même socle de valeurs et capables de s’unir, à géométrie variable, sur des projets communs : marché commun oui, mais sans la religion de la concurrence au nom de laquelle on libéralise le service public et favorise le moins disant social, etc. Nous pouvons accepter des « délégations de compétences » ciblées démocratiquement contrôlées quant à la manière dont elles sont exercées et révocables. Mais nous refusons le transfert massif et irréversible d’immenses pouvoirs à des commissions d’experts déconnectés du suffrage universel : Commission européenne ou Banque Centrale européenne indépendante.

En tant que MRC, nous privilégions donc la voie d’une contribution positive au redressement de la gauche. Nous savons ce dont la gauche a besoin : d’un ressourcement en profondeur dans les valeurs de la République, dans une démocratie qui rendra ses couleurs à la nation, dans une Europe conçue comme union de nations républicaines.

Notre contribution à la victoire et à la réussite de la gauche peut être décisive, car nous apportons le sens de l’Etat, l’expérience de combats menés dans la durée et toujours gagnés, que ce soit sur l’Europe, la politique extérieure, l’Ecole, la sécurité, la Corse, etc. Nos propositions peuvent nourrir un projet réellement alternatif.

Mais la méthode choisie par le candidat ou la candidate permettra-t-elle les inflexions nécessaires ? Nous prendrons notre décision en décembre quand le candidat du parti socialiste aura été désigné, sur une équation globale, en fonction bien entendu de la place qu’il fera à nos préoccupations. S’il apparaissait que nous ne puissions pas apporter une contribution positive et que le candidat du PS ne répondait pas aux questions majeures que nous lui posons du point de vue de l’intérêt national, alors il faudrait, si bien sûr les circonstances le permettaient et si un espace stratégique s’ouvrait, que nous l’occupions. Il vous appartient de m’aider à réunir les conditions nécessaires.

Pour autant, vous le comprenez bien, car vous êtes des militants aguerris et adultes, je ne peux évidemment pas être le candidat du seul MRC. Je ne peux être qu’un candidat de rassemblement sur des valeurs républicaines exigeantes et sur un projet qui redonne à la France les couleurs de la démocratie. Rassemblement de tous les républicains, de ce qu’il y a de meilleur et de plus désintéressé dans notre peuple, à l’écart des sectarismes et des surenchères démagogiques mais sur un projet clair : de réorientation de la construction européenne au service de l’emploi ; projet de justice sociale, l’effort nécessaire devant être plus équitablement réparti ; projet de redynamisation de notre industrie ; choix énergétiques ambitieux ; projet de valorisation de la matière grise - éducation, recherche, technologie ; de modernisation des services publics et de l’Etat républicain ; d’indépendance de la France - notamment en matière de défense et de dissuasion, au service d’une Europe européenne, c’est-à-dire maîtresse d’elle-même. Nous savons aussi que cette indépendance est nécessaire pour faire prévaloir une autre idée de l’Occident dans le nécessaire dialogue des civilisations.

En tout état de cause, nous devons être prêts à ne pas soutenir le candidat socialiste si son orientation devait ouvrir la voie à de nouvelles déconvenues. C’est une question d’éthique élémentaire. Nous ne devons pas cautionner une orientation politique qui tournerait le dos à la politique de redressement nécessaire. Nous ne devons pas brader le capital de confiance que nous avons accumulé. Je ne me sentirais pas capable de dire au 1.524.000 électrices et électeurs qui ont voté pour moi en 2002 de tourner le dos aux orientations de Vincennes qui les avaient rassemblés sur mon nom. Je n’ai pas démissionné trois fois d’un gouvernement afin de rester fidèle à mes convictions et aux vôtres pour, en fin de comptes, brader ce combat et l’élan qu’il a suscité. N’attendez pas de moi que je prenne des positions qui ne seraient pas honorables. L’honneur existe en politique. Et cela peut faire la différence.

J’ajoute que la préservation de ce capital de confiance peut seule sauvegarder l’avenir et permettre de rebondir. Bien entendu je n’ai évoqué ces hypothèses que pour vous montrer ce qu’il y aurait à faire si nous ne parvenions pas à opérer - ce qui a toujours été notre but - le redressement de la gauche sans lequel il n’y aurait pas de vraie victoire. C’est cette victoire que nous voulons préparer. Je vous donne rendez-vous en décembre ! La campagne sera longue et vous aurez toute votre place à y prendre, aux présidentielles comme aux législatives. L’objectif est clair, même s’il est difficile : assurer la victoire de la gauche, au service de la République, au service de la France.


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